Parle-moi de toi…

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Lundi matin, je déguste mon latté, le nez plongé dans un bouquin. Mon cellulaire sonne. Mon cœur bat la chamade, j’étire le bras pour récupérer mon appareil.

— Bonjour?

Dans moins de 48 heures, mon bébé, mon premier roman se retrouvera sur les tablettes en librairie aux côtés d’auteurs que j’admire. C’est surréel! Je suis si excitée, mais en même temps totalement terrifiée.

Il s’agit de ma première entrevue en direct à la radio. Je ne sais pas à quoi m’attendre. L’animatrice me salue puis me demande de patienter. Pendant ce temps, je syntonise la station sur mon ordinateur portable. Le lien ne fonctionne pas! Je panique. Les pensées se bousculent dans mon esprit…

Mon roman a-t-il été mis en contexte? M’a-t-elle présentée aux auditeurs? A-t-elle lu mon bouquin? Mon éditrice et ma relationniste doivent surement être à l’écoute… Il faut que je sois à la hauteur de leurs attentes. Elles ont cru en mon projet, elles ont cru en moi ; c’est à mon tour de jouer!

Les secondes s’écoulent. Elles me paraissent comme une éternité. Je me prépare d’entrée de jeu à décrire mon livre en quelques phrases pour les auditeurs. Une tâche, qui pour moi, est tout sauf simple. Comment résumer deux cent quatre-vingt-une pages en quelques phrases? Mission impossible! J’ai beau lire à répétition ma quatrième de couverture, je ne sais pas par où commencer.

La musique de fond cesse. J’entends la voix de l’animatrice à l’autre bout du fil…

— Merci d’être avec nous ce matin. Pour commencer…

Pendant qu’elle prononce son introduction, je suis dans ma tête, concentrée sur la façon dont je vais présenter mon roman.

C’est une chick lit remplie d’humour. Ce qui différencie ce roman des autres du même genre, c’est que dans sa quête pour trouver l’amour, l’héroïne se questionne sur son orientation et réalise que c’est peut-être avec une fille qu’elle arrivera à ressentir ces fameux papillons…

— Parlez-moi de vous…

Hein? Elle veut que je lui parle de moi?! Par où je commence?

            Œuvrant dans le domaine des ressources humaines depuis plusieurs années, des entrevues, j’en ai mené plus souvent qu’à mon tour. Des candidats qui figent confrontés à ce sujet, j’en ai l’habitude. Mais je n’aurais jamais pensé qu’un jour ça m’arriverait…

Je jette un coup d’œil rapide à mon roman, que j’ai déposé sur le comptoir de la cuisine. J’essaye de demeurer concentrée et d’aligner mes idées.

Comment pourrais-je me décrire tout en mettant mon livre en contexte?

Et puis tout à coup, la nervosité l’emporte sur mon jugement. Des paroles affluent dans tous les sens pour meubler le silence.

— Tout comme l’héroïne de mon roman, ma vie est empreinte de dualités. Je suis une fille qui aime se coucher tard, mais qui dit que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Je suis une fille qui aime communiquer, mais qui est adepte des textos…

À cet instant, c’est comme si je m’élève au-dessus de moi et je vois la situation de l’extérieur.

J’ai quatre minutes en ondes pour faire une bonne première impression ; suis-je vraiment en train de dire que j’aime TEXTER!?

            Un souvenir de ma jeunesse me revient en tête. Je suis en cinquième année. J’ai un oral à faire devant toute la classe. Au beau milieu de ma présentation, j’ai un trou de mémoire. Prise de panique, je commence à bégayer. Dans l’autobus, sur le chemin du retour vers la maison, des élèves se moquent de moi. La HONTE! Suis-je en train de vivre la même chose, vingt ans plus tard?

Dans la vie en général, je parle vite. Quand je suis sous l’emprise de la nervosité, mon débit verbal s’accélère et j’ai de la difficulté à le contrôler. Je navigue à travers l’entrevue comme si je suis en eaux troubles.

À peine quelques minutes plus tard, l’animatrice met un terme à la discussion.

            — Merci d’avoir été des nôtres!

— Tout le plaisir est pour moi!

Yeah right! M’humilier en direct à la radio, ça faisait partie de ma liste de choses à accomplir avant de mourir!

Je raccroche et j’écris un courriel à ma relationniste :

AHHHHHHHHHHHHHHHHH!

Ça dont ben sorti tout croche mon affaire! Je m’excuse!! L’entrevue que j’ai faite avec la journaliste du magazine Fugues la semaine dernière a super bien été. Mais en direct, c’est une autre game! J’ai définitivement besoin de pratique. Ma blonde va s’improviser intervieweuse pour le reste de la semaine. Je vais m’améliorer, c’est promis!

Bonne journée! xx

            Ça n’en prend pas plus pour que mon petit hamster se claque un marathon.

Ma carrière d’auteure n’a même pas eu le temps de débuter qu’elle est déjà capoute! Je ne ferai plus jamais d’entrevue. Mon éditrice va annuler la parution du tome 2… Je vois la fin!

Le lendemain matin, je reçois un appel sur mon cellulaire. C’est ma relationniste.

Oh! Oh! En temps normal, elle utilise le courriel pour communiquer avec moi. Ce n’est pas bon signe…

            — Salut Chantal! Aille, j’ai une méchante bonne nouvelle pour toi!

Mon entrevue à la radio était un test, je n’étais pas en direct et personne ne m’a entendue.

            — La recherchiste de l’émission d’Isabelle Maréchal au 98.5 vient de me contacter. Elle aimerait te recevoir en studio, ce jeudi, pour une entrevue d’une demi-heure! a-t-elle répliqué, à l’autre bout du fil.

WTF?!

— Tu me niaises-là?

— Ben non! Je suis sérieuse. Je leur ai envoyé ton livre avec une petite note la semaine passée, et Isabelle veut te recevoir à son émission pour discuter de ton parcours. C’est hot!

— T’as pas écouté mon entrevue à la radio régionale, hein toi?

— Non… Et je n’arrive pas à la retrouver en ligne.

THANK GOD!

            — Essaye pas non plus!

— J’ai vu ton courriel. Je suis certaine que ça n’a pas été si pire que ça.

— Pour te donner une idée, imagine-toi Louis-José Houde, sur le speed, en train de jouer à Pyramide, qui essaye de plugger le plus de mots possible sur un sujet en dedans de quatre minutes.

Ma relationniste éclate de rire.

— Je suis sérieuse! Pis là, toi, tu veux que j’aille à la radio la plus écoutée au Québec, pour discuter pendant TRENTE minutes avec Isabelle Maréchal?

— Tu vas être super bonne! C’est bien que t’aies eu une expérience plus difficile à la radio régionale. Ça va te préparer pour la prochaine. Je dois raccrocher, mais reste proche de ton téléphone, la recherchiste va t’appeler d’une minute à l’autre. À bientôt, ma belle!

Je dépose mon cellulaire sur la table de cuisine. Je suis sous le choc. Moins de 24 heures après mon fiasco, j’ai une chance de renverser la vapeur.

Le matin de mon entrevue au 98.5fm, lorsque je mets les pieds à la place Bonaventure, je reçois un texto d’une amie :

            Laisse parler ton cœur et non l’écureuil qui court dans ta tête. Et promets-moi une chose… Profite de ce moment et de cette expérience qui s’offre à toi. XXX

            Le moment venu où je me retrouve assise en studio face à Isabelle Maréchal, je jette un coup d’œil à mon cellulaire et je repense à ce message de mon amie. Comme par magie, mon anxiété disparaît. Je savoure le moment présent et je réponds à chacune de ses questions en laissant parler mon cœur… Trente minutes plus tard, je quitte le studio avec un sourire accroché jusqu’aux oreilles et un sentiment du devoir accompli.

S’il y a une chose que je retiens de cette expérience, c’est qu’il ne faut pas se laisser définir par nos erreurs et nos échecs. C’est plutôt notre façon de les affronter, de les surmonter et de rebondir, qui laissera sa trace…

 

Un commentaire sur « Parle-moi de toi… »

  1. «  c’est qu’il ne faut pas se laisser définir par nos erreurs et nos échecs. C’est plutôt notre façon de les affronter, de les surmonter et de rebondir, qui laissera sa trace…«  WOW merci ma belle amie pour cette phrase, dans les moments que je vis présentement, ça me fait un bien immense…. Je t’aime! xxxx

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